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Quels sont les risques liés aux produits insecticides et quelle est la conduite à
tenir en présence de cas suspectés ou avérés d’exposition à ces produits (in Toxicovigilance – InVS : 14 février 2006)

  Mise en ligne le : 16/02/2006 Dernière révision :
 

 Les pyréthrinoïdes et le Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) sont utilisés depuis une vingtaine d’années dans la lutte antivectorielle. Lorsque les conditions normales d’utilisation sont respectées, la tolérance en population générale est bonne. Cependant des manifestations d’irritation cutanée, oculaire ou respiratoire, régressant spontanément peuvent être rapportées par certaines personnes.

 La lutte antivectorielle associe pour des raisons d’efficacité un adulticide et un larvicide.

 Lutte adulticide

Des épandages de fénitrothion ont été effectués pendant plusieurs mois à La Réunion. Cet insecticide organophosphoré vient d’être remplacé par des pyréthrinoïdes de synthèse, moins toxiques pour l’homme : la deltaméthrine et l’esbiothrine. Ces produits sont appliqués, à l’aide d’atomiseurs individuels (les pyréthrinoïdes sont en émulsion dans l’eau) ou en pulvérisation spatiale ULV à l’aide de nébulisateurs à froid (montés sur véhicules à la vitesse du de 2 km/h) ; les pyréthrinoïdes sont en solution dans un solvant pétrolier.

 Lutte larvicide

Le téméphos, insecticide organophosphoré dont la toxicité est moindre que celle du fénitrothion, est utilisé pour la destruction des gîtes larvaires. Il est remplacé par un bio pesticide le Bit.

1) Les pyréthrinoïdes

Les pyréthrinoïdes de synthèse agissent sur le système nerveux, en prolongeant l’ouverture des canaux sodiques membranaires, allongeant ainsi la durée de dépolarisation qui suit le potentiel d’action, ce qui conduit à un état d’hyperexcitabilité cellulaire stable. Les effets insecticides et toxiques de la deltaméthrine et de l’esbiothrine résultent de leur action sur les échanges transmembranaires impliqués dans la neurotransmission ; ils sont très peu toxiques pour les mammifères qui les métabolisent rapidement.

Dans les conditions d’exposition environnementale et professionnelle, la symptomatologie de l’intoxication chez l’homme dépend de la voie de contact et traduit essentiellement un effet irritant. La responsabilité des solvants pétroliers dans les préparations commerciales peut être discutée. On peut observer, par contact cutané et/ou oculaire un érythème cutané, un prurit, une conjonctivite, parfois œdème palpébral et par inhalation, une toux, avec gêne respiratoire, notamment en cas d’antécédents de bronchite chronique ou d’asthme.

Lors d’expositions professionnelles, l’apparition de paresthésies au niveau des zones de contact (visage, avant-bras) caractérise cette classe de produit : sensations de picotement, d’engourdissement, de brûlures. Il peut exister une inversion de la sensation chaud froid. Ces paresthésies peuvent être exacerbées par la transpiration, la chaleur, l’exposition à la lumière ou le lavage à l’eau chaude des zones atteintes. Elles apparaissent dans un délai de 30 minutes à 2 heures après l’exposition, avec maximum d’intensité vers la 6ème heure puis régressent en 24 heures. Des éruptions papulaires et plus rarement des éruptions phlycténulaires ont été rapportées. Le risque de sensibilisation est faible, des cas sont cependant décrits. Une toxicité neurologique, n’est décrite que dans des conditions de travail inappropriées (manipulation à trop forte concentration, sans protection, pulvérisation contre le vent, chaleur et travail intenses…).
Il n’existe aucune traduction biologique spécifique de l’intoxication par pyréthrinoïdes hormis les conséquences des complications neuromusculaires et respiratoires : acidose métabolique, élévation des CPK, urée et créatinine sanguines, hyperleucocytose…

Prise en charge

Les manifestations bénignes d’allure irritative régressent spontanément en quelques heures. 

Manifestations cutanées et/ou oculaires après contact avec une surface traitée :
- déshabillage et décontamination par lavage des zones concernées à l’eau froide et au savon ;
- irrigation oculaire par sérum physiologique ; collyre antiseptique

Manifestations respiratoires après exposition accidentelle lors de l’épandage :
- signes irritatifs modérés (toux, sensation d’irritation et de gène respiratoire) et absence de signes à l’auscultation :
  pas de traitement ; les signes respiratoires régressent spontanément en quelques minutes.
- en cas d’aggravation et/ou présence de signes à l’auscultation et/ou d’antécédents d’affection respiratoire
  (BPCO, asthme, …) administration de béta2-mimétiques ; surveillance hospitalière à discuter selon la tolérance clinique.

2) Les insecticides organophosphorés (fénitrothion et téméphos)

Les effets insecticides et toxiques résultent de l’inhibition de l’acétylcholinestérase qui entraîne une intoxication par l’acétylcholine. Celle-ci se traduit par un syndrome muscarinique (produit par la stimulation des récepteurs du système parasympathique), un syndrome nicotinique (traduisant la stimulation par l’acétylcholine des neurones terminaux du système sympathique et ses effets au niveau de la jonction neuromusculaire) et des effets au niveau du système nerveux central : céphalées, puis confusion et coma.

L’indicateur d’effet précoce le plus sensible est l’abaissement des activités de l’acétylcholinestérase érythrocytaire (AChE) et de la butyrylcholinestérase plasmatique (BuChE).

Selon la sévérité de l’intoxication, différentes formes cliniques peuvent être observées :

- les contaminations uniques modérées entraînent des manifestations cliniques de faible intensité : céphalées, vertiges, asthénie ; la présence de  troubles digestifs (vomissements, diarrhées) peut faire évoquer une gastro-entérite aiguë qui peut être rapportée par erreur à une cause alimentaire. 

- les contaminations faibles sont souvent asymptomatiques, quand elles sont uniques. Quand elles sont répétées pendant une période de quelques semaines, leurs effets se somment et peuvent aboutir à une aggravation progressive du tableau clinique.

3) Le téméphos

Le téméphos, insecticide organophosphoré est beaucoup moins toxique que les autres insecticides appartenant à cette classe ; en effet sa toxicité aiguë chez l’animal est de l’ordre de 10 à 20 fois moindre que celle du fénitrothion par exemple, ce qui autorise son utilisation comme larvicide dans les citernes d’eau destinée à la consommation humaine. Aucun cas d’intoxication humaine par le téméphos n’a été rapporté dans la littérature.

4) Le Bti

Le Bti est une bactérie qui vit naturellement dans les sols. Utilisée depuis plus de 20 ans comme agent de lutte biologique, c’est un bio pesticide. Elle produit une endotoxine sous forme cristallisée qui agit en se fixant sur les villosités intestinales de la larve d’Aedes, bloquant ainsi l’absorption des nutriments. Cette endotoxine est inactive dans l’appareil digestif des mammifères. 
Les préparations larvicides contiennent à la fois l’endotoxine et le bacille sous forme sporulée. La plupart des préparations à base de Bti sont considérées comme irritantes pour les yeux et susceptibles d’entraîner des réactions de sensibilisation par contact cutané. Le port de masques anti-poussières est recommandé chez les utilisateurs.
Une étude épidémiologique menée en 2004 a montré la présence d’Immunoglobulines E spécifiques chez des horticulteurs danois exposés. Une étude néo-zélandaise menée en population générale après épandage aérien a montré une augmentation de symptômes aspécifiques : troubles du sommeil, difficultés à se concentrer, irritation des voies aériennes supérieures, diarrhée, sensation d’inconfort digestif ; ces plaintes étaient plus marquées chez les sujets aux antécédents de rhinite allergique. 
En cas de contact cutané, lavage abondant à l’eau et au savon. En cas de projection oculaire : irrigation au sérum physiologique

 

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